SIDA

Un ennemi incroyablement coriace

Les meilleurs chercheurs de la planète lui font la guerre depuis maintenant 30 ans. Des centaines de milliards de dollars ont été canalisés contre lui. Pourtant, le virus du sida (VIH) continue de défier la communauté scientifique. Comment un organisme 1000 fois plus petit que l’épaisseur d’un cheveu peut-il déjouer des efforts d’une telle ampleur ? Voici quatre secrets expliquant sa résistance.

IL SABOTE DIRECTEMENT LES LIGNES DE DÉFENSE

Un virus doit infecter une cellule pour se reproduire. Et celui du sida ne choisit pas n’importe lesquelles : il vise les lymphocytes T CD4 et les macrophages, des cellules justement conçues pour l’attaquer.

« Ce sont des cellules qui génèrent une réponse immunitaire contre n’importe quel pathogène, que ce soit le VIH ou tout autre virus ou bactérie », explique Éric A. Cohen, chef d’équipe du Consortium canadien de recherche sur la guérison du VIH et professeur à l’Institut de recherches cliniques de Montréal et à l’Université de Montréal.

Cela explique pourquoi les patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) qui ne sont pas traités voient leur système immunitaire bousillé (le fameux syndrome immunodéficitaire acquis, ou sida) et sont vulnérables à toutes sortes d’infections.

Lorsqu’il envahit une cellule de défense du corps, le VIH ne fait pas dans la dentelle. Il s’intègre complètement dans son génome, au point qu’il devient pratiquement impossible de retirer le virus de la cellule sans la tuer. Puis, il commande à cette cellule de fabriquer d’autres virus comme lui. Bref, non seulement le corps a perdu ses soldats, mais ceux-ci se sont transformés en usines à fabriquer des virus.

IL SAIT RESTER CACHÉ

Certaines des cellules de défense du corps ne prennent pas directement part au combat contre les virus et les bactéries. « Ces cellules, qu’on appelle lymphocytes mémoire, ont une très longue durée de vie. Leur rôle est de garder une mémoire immunologique des pathogènes qu’ils ont croisés de façon à déclencher une réponse immunitaire plus rapide s’ils reviennent », explique M. Cohen.

Lorsque le virus responsable du sida infecte ces cellules, il ne se multiplie pas. Il y reste tapi dans un état de dormance, jusqu’à ce que les cellules soient réactivées. Or, pendant ce temps, il est pratiquement impossible à tuer.

« Cette capacité à se dissimuler est l’obstacle le plus difficile à surmonter », affirme M. Cohen. Depuis 1996, on soigne les patients atteints du VIH avec des antirétroviraux, qui sont capables d’empêcher le virus de se multiplier. Ces médicaments empêchent la progression de la maladie, mais ils sont incapables d’atteindre les virus cachés qui sont en dormance. Les patients ne peuvent donc jamais se débarrasser complètement de l’infection et doivent consommer les antirétroviraux toute leur vie.

IL MUTE À TOUTE VITESSE

L’autre force du VIH est sa capacité à muter.

« Ce virus mute à chaque cycle de multiplication. Chaque fois qu’il se multiplie, une mutation est rajoutée. Il trouve donc très rapidement la combinaison qui le rend résistant à un médicament », explique Éric A. Cohen.

Chez les patients déjà infectés, les médecins déjouent le virus en lui envoyant un cocktail de trois médicaments différents – la trithérapie. Si le virus trouve une mutation qui le rend résistant à un médicament, il en reste deux autres pour faire le boulot. Mais cette capacité de mutation complique grandement le développement d’un vaccin contre le VIH.

« Dès le moment où on réussit à générer une réponse immunitaire efficace contre le virus, celui-ci a déjà muté et tout est à recommencer », dit M. Cohen.

IL A PLUSIEURS TOURS DANS SON SAC

Anticorps, cellules meurtrières, interférons, macrophages : le corps humain a une panoplie d’armes pour lutter contre les virus et les bactéries. Sauf que le VIH semble avoir trouvé des trucs pour toutes les déjouer.

« Pour tous les types de réponses immunitaires du corps, le VIH a des mécanismes pour faire de l’évasion ou contrecarrer leur action, explique le docteur Cohen. Il fabrique plusieurs protéines dont le rôle est d’échapper à des attaques très spécifiques. On peut dire qu’il a de nombreux outils à son arsenal et qu’il est toujours un cran en avance. »

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